Faches-Thumesnil: premier samedi d’école, le maire n’était pas à la noce Par la rédaction pour La Voix du Nord, Publié le 08/09/2014
par Virginie BOULET
Samedi, juste avant un
mariage, une vingtaine de parents de l’école Florian-Lamartine ont fait
irruption dans l’hôtel de ville pour demander des explications au maire
concernant les rythmes scolaires. Ils dénoncent le morcellement des activités
périscolaires. Pour eux, autant ne rien faire.
Ces mamans faisaient
partie de la délégation qui a tenté de s’inviter dans le bureau du maire,
samedi matin.
Le hasard a voulu que
celle qui était la plus belle en ce premier samedi de septembre, le premier
travaillé pour les écoliers, était justement... employée dans l’école où sont
scolarisés les enfants des parents protestataires. En voyant tous ces visages
connus se presser dans l’escalier de l’hôtel de ville, la jeune future mariée
a-t-elle crû qu’une délégation de l’école était venue lui faire une haie
d’honneur ?
En tout cas, la
cérémonie n’a pas été perturbée. Le maire a expliqué aux familles qu’il ne
pouvait pas les recevoir et leur a fixé un rendez-vous à ce vendredi. La
délégation de l’école de Thumesnil sera-t-elle étoffée, avec le renfort de
parents d’autres écoles de la ville ? Un vent de fronde, soufflerait aussi, du
côté de l’école Kléber. Quoi qu’il en soit, vendredi soir, ils seront six
parents de Florian-Lamartine à tenter de se faire expliquer de Nicolas Lebas
pourquoi il a choisi de morceler les activités périscolaires, les fameux « NAP
». Ici, ces activités ont lieu une demi-heure le matin, dans le prolongement de
la garderie, de 8 h 30 à 9 h ; puis à partir de 13 h 30 pour une reprise des cours à 14 h ; et le soir, de 16 h 15 à 16
h 30. « Un quart d’heure, c’est n’importe quoi. De toute façon,
on ne nous parle pas de NAP le soir, mais de sortie prolongée », tempêtent
ces mamans. « Le problème, poursuivent-elles, c’est pour la sécurité
: ça navigue à vue, pour l’instant. Des enfants qui doivent sortir à 16 h 15 sortent à 16 h 30 et inversement ! ». Les
personnels hors Éducation nationale, qui doivent gérer les flux d’élèves,
seraient sous pression, et certains ont déjà craqué.
Pour l’instant,
l’organisation du midi
n’est pas optimum, non plus. « Le temps que les enfants rejoignent les
demi-pensionnaires, il reste 20 minutes ! » Avant les élections,
explique cette maman qui était élue au conseil d’école, le maire avait
pourtant parlé d’organiser des séances de NAP d’une heure trente, à partir de 15 h. Là, c’est une autre chanson ! Je comprends
: ça lui coûte moins cher. Mais franchement, quel est l’intérêt pour nos
enfants ? ».
«Une organisation
mûrement réfléchie»
Le maire, Nicolas
Lebas, revient sur ses choix, « largement approuvés
et validés par les autorités académiques ».
Pourquoi avoir choisi
de morceler les « NAP » en donnant trois rendez-vous par jour ?
« D’abord, il faut préciser que les modalités d’application de la réforme
tiennent compte de ce qui se faisait déjà dans les écoles. Or, ici, nous
faisions intervenir des animateurs dans les domaines sportifs et culturels lors
du temps scolaire. C’est vrai qu’au début de notre réflexion, on pensait les
garder et les mettre à la disposition pour des séances de NAP de 1 h ou 1
h 30. Mais les enseignants travaillaient bien avec ces intervenants
et ils ne pensaient pas que ce soit une bonne idée d’arrêter ça. D’autant que
comme les NAP ne sont pas obligatoires, tous les enfants n’en auraient pas
profité ».
Oui, mais, deux
séances d’une demi-heure, une d’un quart d’heure, à quoi ça sert ?
« Nous avons toujours
dit que, comme nous faisions déjà beaucoup pendant le temps scolaire, les NAP
seraient des temps à vocation pédagogique et récréative courts. Et puis, les
enseignants apprécient les deux demi-heures, ils servent de sas de
décompression aux élèves avant l’entrée en classe. De plus, en les acceptant
dès 13 h 30, nous offrons
un service gratuit aux parents qui ne peuvent pas ramener leurs enfants à 14 h. Quant au quart d’heure le soir, il a
toujours été présenté comme un moment de récréation ».
Les parents
n’apprécient pas tous non plus le choix du samedi...
« C’est pourtant ce
que conseille les spécialistes notamment la chronobiologiste Claire Leconte. En
tout cas, nous avons compté les présents ce samedi, et nous avions un très bon
taux de présence ».
Article de la Voix du Nord
Rythmes scolaires à Calais, Billy-Montigny, Hautmont... : sabotage ?
Force est restée à la loi et même les
maires les plus opposés à la réforme sont rentrés dans le rang, appliquant les
cinq matinées de cours par semaine. Mais à Calais, Billy-Montigny, Hautmont et
d’autres, il n’y a pas d’activités périscolaires. Manière de continuer la lutte
autrement ? Sabotage ?
Billy-Montigny, le 30 septembre.
Conséquence du bras de fer avec le maire : les institutrices et les AVSI sont
obligées de déjeuner sur le trottoir de l’école Voltaire-Sévigné. PHOTO
SéVERINE COURBE
Il y a un mois, la rentrée des
classes 2014 sonnait avec la généralisation de la réforme des rythmes
scolaires. Constat en feuilletant les 24 éditions de La Voix du Nord :
ça se passe globalement bien. Directeur académique du Nord, Christian
Wassenberg se félicite : « Sincèrement, je pensais que la période de rodage
serait plus longue. » Sous la menace, les frondeurs les plus tendus ont
plié assez vite, appliquant la loi imposant cinq matinées de cours par semaine.
Mais il y a la réforme et son esprit. Et en ce domaine, la non-mise en place
d’activités périscolaires – certes pas obligatoire – est restée une arme très
répandue. Nous parlons de toutes ces communes qui ne mettent en place que de la
garderie.
À Billy-Montigny, le bras de fer entre l’académie et le maire communiste
Bruno Troni a même des atours rocambolesques. On vous passe le cadenassage des
grilles des écoles en début d’année. Ou l’éventualité écartée à la force du
bulldozer d’une mise en place d’activités périscolaires (TAP). « Mais on
prendra l’argent du fonds d’amorçage (50 voire 90 euros par enfant et par
an). L’État nous en pique en baissant ses dotations, on ne va pas se gêner. »
À la place, une garderie seulement accessible aux enfants dont les deux parents
travaillent. Et ce n’est pas tout : la mairie n’autorise plus les enseignants à
rester dans leur classe le midi
pour déjeuner ou même travailler. Question d’hygiène – alors qu’ils déjeunaient
en salle des profs et évidemment pas en étalant le beurre de leurs sandwichs
sur les tables des enfants.
«
Au rabais »
Ils ont donc mangé plusieurs fois devant l’hôtel de ville pour protester et
se sustentent désormais sur le trottoir devant leur école…
Les enfants ne vont plus à la piscine ou à la bibliothèque. « Comme les
directeurs d’école n’ont pas proposé de créneau en juin – ils ne
connaissaient pas les horaires qui seraient retenus –, on n’a pas pu leur
réserver la place », justifie le maire. Avant de lâcher : « L’académie
n’a pas voulu retenir nos horaires car ils ont été envoyés hors délai. Eh bien
nous, c’est pareil. Mais on n’est pas obtus – ça non – on va voir ce
qu’on peut faire. » Reconnaissant qu’il en veut un peu aux parents de
l’avoir lâché en début d’année alors qu’ils s’étaient prononcés contre la
réforme. De là à les punir ?
À Faches, c’est bien moins
extrême. Des parents ont dérangé une noce pour dénoncer des activités « au
rabais ». « On a école le samedi, il faut s’adapter et on l’accepte. Le
matin, c’est un plus pour l’apprentissage et tant mieux. Mais on s’attendait à
ce qu’ils fassent de la musique, du sport… Là, rien. On se dit, tout ça pour ça
», résume un papa. Le maire UDI s’en défend : « On en a des TAP, même s’ils
sont courts (15 minutes entre 16
h 15 et 16 h 30). Et
surtout on a des activités culturelles et sportives dans le temps scolaire.
»
Ardent opposant de la réforme, le maire UMP de Tourcoing propose du soutien
scolaire, mais pas toujours de qualité. À Maubeuge, le maire UDI a supprimé les
activités existantes. « Parce que l’académie a refusé que je les regroupe le
vendredi. » Fervent réfractaire, Joël Wilmotte ne crée pas de TAP à
Hautmont. Idem à Calais, ville de l’UMP Natacha Bouchart. Mais elle serait en
train d’y réfléchir. Un signe ? La situation ne serait pas tenable sur le long
terme ?
Les parents peuvent jalouser des communes voisines. Et cette inégalité
pourrait desservir électoralement leurs opposants de maires.
Les petites communes condamnées à la
médiocrité ?
« Je n’ai pas de structure, pas de salle et pas les moyens. La réforme
n’est pas faite pour des petites communes comme nous. » À Odomez, 1 000
habitants, près de Saint-Amand-les-Eaux, il n’y a pas d’activités périscolaires
proposées et le maire assume donc sa décision avec force justifications.
À la sortie de l’école, certains parents, fatalistes, abondent dans ce
sens. « On aimerait bien des activités, mais dans une petite commune comme
la nôtre. » D’autres sont plus offensifs. « Ceux qui habitent dans des
villes, comme Saint-Amand, ont déjà pas mal de clubs, des structures sportives
ouvertes tout le temps. Et en plus, ils vont avoir les activités périscolaires.
» Ces deux mamans qui n’ont pas le permis expliquent : « Nos maris
travaillent, on ne peut pas conduire les enfants pour des activités dans des
villes voisines et il n’y a pas assez de bus. On pourrait compter sur l’école,
mais non. » Double peine de cette France périphérique que l’école ne peut
compenser ?
Nombreux sont les petits villages où aucune activité n’est organisée. Mais
il y a ceux qui mutualisent leurs moyens pour l’emploi d’animateurs. Parfois,
l’intercommunalité les embauche. Et puis il y a des villages comme Floringhem,
dans le Ternois (et il n’est pas le seul), où les 108 élèves se voient proposer
gratuitement un club journal, des cours d’italien, des jeux de cirque et à
terme du théâtre. Coût estimé, entre 8 000 et 10 000 €. 90 % des 108 élèves
sont inscrits. Et comme, dans les zones rurales, les municipalités peuvent
prétendre à 90 € par enfant, l’addition pourrait être au final assez légère.
Pas simple, mais non les petites communes ne sont pas condamnées à une
application a minima de la réforme.
Payant mais à quel prix ?
Ce n’est pas interdit. Les activités, les maires n’y sont pas contraints et
libre à eux de les faire payer.
Ils sont nombreux à avoir choisi cette option. À Croix, près de Roubaix,
cela avait coûté au maire UMP, Régis Cauche, une levée de boucliers, notamment
sur les tarifs : de 0,6 à 1,1 € la séance de quarante-cinq minutes. Mais pas de
manifestation.
À Neuf-Berquin, dans les Flandres, ça a grondé. Avec cette remarque d’un
papa : « Pourquoi il y a des villages à côté où c’est gratuit ? » À
Linselles, près de Tourcoing, quelque 80 parents ont manifesté leur
mécontentement le 13 septembre, estimant qu’ils étaient « taxés abusivement
». Cette maman dénonçant des séances à 3,3 euros. Le prix à payer, en
conséquence, ce sont des activités (TAP) auxquelles les plus modestes ne
s’inscrivent pas – même si souvent les tarifs sont adaptés aux revenus des
parents –, ce qui va à l’encontre du principe même de la réforme. Voire des TAP
qui, si ils ne sont pas à la hauteur, seront désertés. Ce qui peut être une
bonne manière de les tuer.
À Lambersart, la FCPE estime qu’étant donné qu’elles sont payantes, les
activités doivent être de grande qualité. Ce qu’elle conteste, notamment pour
les maternelles. Reprochant à Marc-Philippe Daubresse, le maire, de ne pas
avoir assez préparé en amont dans la mesure où il était contre par principe. Ce
dernier rétorque qu’« on avance en marchant » et que ces activités,
regroupées le vendredi après-midi, vont s’améliorer.
« Je fais participer les parents pour que ce ne soit pas que les seuls
contribuables qui paient. » D’autres ont préféré la gratuité. Et aucune
manifestation de « contribuable » n’a été enregistrée.